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Stratégies de
manipulation des masses
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Connaître les
individus mieux qu'ils ne se connaissent eux-mêmes
Au cours des 50
dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un
fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues
et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la
neurobiologie, et la psychologie appliquée, le "système" est parvenu
à une connaissance avancée de l'être humain, à la fois physiquement
et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître
l'individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie
que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand
contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les
individus eux-mêmes.
Exemple
Comment sortir indemne de ce matraquage ?
D'autant que certaines méthodes, comme celle dite des "images
subliminales" (normalement illégale), s'adressent directement à
notre inconscient et déjouent notre défense critique. Cela peut
avoir des conséquences graves pour l'économie domestique avec le
développement du téléachat qui suscite des impulsions d'acquisition
instantanées. Surtout si télécommande et carte de crédit sont
couplées comme le proposent de récents gadgets...
La publicité et les techniques de vente, même les plus
controversées, servent par ailleurs de modèle au discours politique,
surtout en période électorale. Leur influence, en particulier celle
du marketing politique, est considérable sur le citoyen à l'heure de
choisir les dirigeants dans une "démocratie d'opinion". Les
techniques de vente, fondées sur des études très fines des marchés,
se voudraient presque une science. Leur objectif : nous manipuler,
nous faire consommer toujours plus. A cet égard, les stratégies
mises au point dans les hypermarchés pour piéger le consommateur
sont stupéfiantes. Un "hypermarché-laboratoire" a même été construit
à Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Paris, afin d'étudier au
microscope les comportements d'achat. Dans ce magasin expérimental,
l'acheteur-cobaye est épié par une équipe de sociologues et de
psychologues qui suivent tous ses gestes à travers des glaces sans
tain ; son parcours, ses arrêts,ses hésitations sont minutieusement
analysés. Même le chemin suivi par son regard sur les rayons est
enregistré par l'Eye Movement Recorder, "un système qui, par l'étude
de la réfraction d'infrarouges sur la rétine, permet de déterminer
quels articles ont été observés en premier sur un rayon et pendant
combien de temps...". Ces observations et des enquêtes très
fouillées sur les motivations d'achat vont permettre, grâce au
concours d'architectes, de décorateurs, d'éclairagistes, de modeler
l'espace intérieur des hypermarchés pour stimuler la consommation.
Largeur des allées, taille des rayons, emplacements des produits,
éclairage, couleurs, tout est calculé pour que le client ralentisse
sa vitesse de déplacement, s'attarde sur le maximum de produits et
que, "en plus de l'indispensable, il achète le superflu".
Rien n'est laissé au hasard.
Un exemple : l'électroménager. Toujours situé à l'entrée, pour deux
raisons : le caddie doit être vide pour pouvoir recevoir un gros
emballage ; et son prix servira de référence, car tout le reste
paraîtra moins cher... Même la musique d'ambiance est très étudiée
pour que l'immensité des nefs commerciales n'effraie pas et soit
rendue plus intime. En France, 60% des hypermarchés diffusent la
même musique spécialement élaborée pour eux par une société qui, via
satellite, couvre l'ensemble du territoire. Dans certains pays,
cette musique contient des phrases subliminales, qui répètent
aux clients extasiés : "Ne volez pas !", "Détendez-vous !",
"Faites-vous plaisir !"
L'aliment des démagogues ADJUVANTS du discours publicitaire, les
sondages fournissent renseignements et arguments supplémentaires sur
les besoins de tous ordres des citoyens. "Ce que cherchent les
sondeurs, explique Vance Packard, c'est évidemment le pourquoi de
nos actes, afin, si faire se peut, d'infléchir plus sûrement nos
choix en leur faveur". Ils fouillent, sous de faux prétextes
parfois, dans les comportements, les moeurs, les attitudes et
dessinent peu à peu le profil du consommateur électeur moyen.
Ils définissent ainsi "l'opinion publique", reflet à peine déformé
de l'information de masse et de la publicité. L'ensemble constituant
une boucle qui circonscrit la norme sociale, le consensus et la
conformité. En dehors, c'est la marge, la déviance, l'anormalité.
Les sondages établissent une nouvelle forme de conditionnement qui
nous influence en douceur. En nous rappelant sans cesse le désir du
plus grand nombre, ils nous suggèrent d'aller dans le même sens. Car
les indécis tendent à se ranger à l'avis de la majorité.
Paul Watzlawick, spécialiste de la communication de l'école de
Palo-Alto, a magistralement montré comment un individu isolé en
venait à douter de ses propres sens et, pour ne pas se distinguer, à
accepter l'opinion du plus grand nombre.
"La volonté
de renoncer à son indépendance, de troquer le témoignage de ses sens
contre le sentiment confortable, mais déformant la réalité, d'être
en harmonie avec un groupe, est bien entendu l'aliment dont se
nourrissent les démagogues",
conclut Watzlawick.
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