Le problème de Rozenbaum est qu’il est ‘Juif de cour’.

Dans la série "bataille des juifs", c’est pas moi qui le dit, je ne fais que rapporter des faits publiés sur internet … qui vont certainement disparaître après ce message, du fait qu’il s’agit d’une page "oubliée" sur un site du Centre National de la Recherche Scientifique, en un sigle le CNRS ! 
Ho, rassurez vous la page n’est pas référencée sur leur site, mais on la trouve facilement avec Google. 

Voici le texte tel qu’il figure sur cette page (que j’ai sauvegardée comme preuve au cas où elle disparaitrait en suivant ;o) 

Je dois dire que j’ai une forte admiration pour Jacques Leibowitch et pour ce qu’il ose écrire, peut être parce que je me retrouve, ho, modestement, en lui et en son comportement rebelle mais tellement humain ! 

Résumé avant d’entrer dans le sujet : 
Jacques Leibowitch, qui reconnaît être juif, mais pas de cour, règle ses comptes avec certains et remercie les autres (très peu) : 
- Jean Hamburger (père de Michel Berger, le compositeur) 
- Jean-François Bach 
- Maxime Seligmann 
- Gluckman 
- Willy Rozenbaum 
- Jean-Paul Lévy à Cochin 
- Robert Gallo 
- Stehelin à Lille 
- Jean Bernard 
- Maxime Seligmann 
- Luc Montagnier 
- Pierre Prunet 
- Jean Claude Cherman 
- Philippe Lazar 
- François Gros 
- Laurent Fabius 
- David Baltimore 
- David Haut 
- George Shaw 
- Philippe Douste Blazy 

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Entretiens avec Jacques Leibowitch 
22-29 mai 2001, J.-F. Picard 

Texte original non validé. Ne pas utiliser. 

Qu’est ce qui vous a poussé vers la médecine monsieur Leibowitch? 

D’abord, je ne voulais pas être médecin. Si j’avais réellement choisi, j’aurais trouvé autre chose, au fond, la médecine me dégouttait… C’est mon père qui a voulu que je fasse médecine, j’avais pas le choix et comme j’étais obligé, j’ai dû le faire assez bien puisque j’ai passé les concours, l’internat…. Bah! Je me suis retrouvé médecin à partir du moment où j’ai du devoir soigner des gens qui allaient mourir. Juste, parce que je n’avais pas envie qu’ils meurent. Mais entre le mois d’octobre 1982, depuis qu’à cause du sida, j’ai mis le pied dans l’étrier para institutionnel, jusqu’à l’an 2000 où, grâce aux amis de l’ancien Premier ministre Laurent Fabius j’ai obtenu la mise en position hors classe (i.e. l’équivalent d’un poste de professeur au niveau salaire), il se sera passé dix-huit ans au cours desquels je n’ai pas eu de promotion universitaire. C’est-à-dire que, malgré ma position quasi historique de découvreur de la cause du sida, de fabrication du premier test de dépistage du HIV et d’initiateur des trithérapies, on a voulu me pourrir le truc. Je suis un mec incontournable, mais toujours resté à la frontière de l’institution. En 1988, je voulais passer l’agreg. Refus de Séligmann qui m’a dit : "si vous parlez de sida, je ne présente pas votre dossier". En revanche, j’ai été assez richement doté par la société civile. J’ai été soutenu par les gens à la mode, les gens du show biz qui aiment bien les garçons, ceux de la ‘population à risque’, ceux qui étaient menacés par le sida (ils m’ont même fourni une épouse). Dans les soirées, j’étais le type qui recevait des chèques signés des gens du monde, le gros oeuf, 5 à 6 millions de francs à la fin des années 1980. Mais c’est vrai que je me suis beaucoup occupé d’eux. 

Vous aviez commencé chez Jean Hamburger à Necker 

J’ai été externe chez Jean Hamburger, le type génial qui a fait fortune en lançant la ‘Fondation pour la Recherche Médicale’ (FRM), tout simplement parce qu’il soignait les cystites de mme Say, les sucreries bien connues. Astucieux Hamburger qui est resté planqué pendant la guerre pour se protéger! Vous savez qu’il est le père de Michel Berger, le compositeur. En fait, moi aussi je voulais faire de la chanson, mais un jour il me dit : « Leibowitz, mon cher, vous êtes trop vieux pour débuter dans la chanson. » et c’est comme ça que j’ai dû continuer la médecine. Vous me direz que j’aurais pu devenir quelqu’un dans le service Hamburger, je savais faire la voix de son maître, je savais faire le beau, etc., mais le problème, c’est que j’aimais trop faire le con. Je me souviens d’une leçon d’externat ou d’internat, je ne sais plus, dans les années 1970… Topo d’Hamburger, très grand seigneur, il se brosse en arrière les cheveux qu’il n’a pas, car il est chauve, mais c’est le geste classique du mandarin. "Messieurs, savez-vous à quoi sert le HLA ?" Personne ne répond, bien entendu, sauf moi qui savais, mais je dis, "le HLA c’est bon à rien, mais avec un Y" (bon aryen)… J’en ai d’autres, affreuses. Par exemple, un congrès en 1974 où il y avait là tout le gratin des pathologies auto-immunes, Jean -François Bach, Arthur Dixon, etc. J’étais vraiment le petit mec de rien du tout, mais j’avais une grande gueule et j’étais très allumé… : "Attendez les gars, années après années, vous avez dit ceci. Après vous avez dit cela, puis après vous avez laissé tomber parce que les maladies auto immunes on ne sait pas les guérir. Bon on peut prendre ça à la rigolade et se taper le cul par terre, mais y faudrait quand même pas oublier qu’on cause de médecine et qu’il y a des gens, des malades, qui font les frais de tous ces discours….". Je me souviens c’était l’année où ils essayaient l’irradiation lymphocytaire. C’est-à-dire qu’on brûle littéralement tout le système lymphatique du patient pour empêcher les lymphocytes de se disséminer, une sorte de lobotomie lymphocytaire si on veut. Il y avait cinq six cadors autour de la table dont John Merill, le général en chef de la néphrologie mondiale, le tuteur d’Hamburger. Bref, j’avais perdu tout sens du respect, comme on dit… J’étais allé à Beyrouth, j’avais fait le ‘médecin sans frontière’, des conneries qui m’avaient ôtées toute révérence filiale… Et je te les allume : "vous n’y comprenez rien – c’est pas grave, vous êtes pas les seuls, moi non plus -, mais que vous dissertiez pour balancer du Hiroshima sur vos malades, je trouve ça un peu salaud". Silence de mort dans les rangs. Le lendemain, meeting pour le départ de Merill et y a un gus qui me souffle que le bon professeur était précisément l’un des savants embarqués dans le B-29 qui a lancé la bombe sur Hiroshima. Oh putain! Que je me suis fait peur à moi-même. Quelle intuition, mec! Tu ne l’as pas voulu, mais tu lui as fait une belle petite interprétation psychanalytique… 

Comment en êtes-vous venu à faire de la recherche ? 

C’est pareil, j’avais pas la vocation. En plus, j’étais médecin et l’on m’interdisait de faire de la médecine. C’est hallucinant que l’on m’ai mis en biologie! Il est vrai que j’avais appris un peu de biologie, mais je voulais m’en servir pour faire autre chose. Que voulez-vous? Je suis pas médecin, je suis pas chercheur, je suis simplement médecin chercheur et ça c’est pas tout à fait pareil. Lorsque j’étais en deuxième année de médecine, je suis allé passer deux mois dans un labo à New York, un endroit où j’ai appris à tuer des rats, à leur arracher le foie, etc… J’étais invité par un chef de service, Voilon, qui m’a accepté à cause de ma mouvance dans les milieux du cinéma. Voilon était le fils de Charles David, un directeur de production dans les années 1940-50, un ami de ma tante qui travaillait dans le cinéma. C’est donc par elle que j’ai eu l’occasion de me retrouver en Amérique dès l’age de vingt ans. J’ai eu de bons contacts avec les Américains, on s’est bien aimé et on s’est promis de se revoir. À 26 ans, devenu un brillant interne, ils m’ont dit de venir chez eux comme postdoc.. Donc sans rien demander à personne (ce qui était une connerie), j’ai passé deux ans là-bas pour faire l’apprentissage de la biologie, une science pour laquelle je n’avais aucune vocation au départ. Deux ans plus tard, je reviens en France avec un certain savoir-faire et je me retrouve au milieu de mecs terrorisés qui se disent tout de suite : "hou! là, la! Qu’est ce qu’on va faire de ce coco-là!?". Mais, le truc marrant, c’est que je me suis toujours retrouvé sur le dessus du panier. J’étais toujours dans les premiers en face de types qui se bagarraient pour défendre leur petite cuisine. Vous imaginez si je faisais chier la Faculté! 

L’hôpital Raymond Poincaré de Garches 

Venant de l’immuno à l’hôpital Necker, je suis arrivé à l’hôpital Raymond Poincaré pour soigner des paraplégies traumatiques. Tout cela parce que monsieur Jean-François Bach qui voulait me flinguer m’a condamné à l’exil, au goulag de Garches. Bon, j’avais des relations ambiguës avec l’immunologie, c’est vrai. En 1982, j’ai décidé d’appeler mon unité (de recherche) ‘immuno-virologie’, la seule de France et de Navarre, simplement parce qu’en médecine, j’estimais que c’est à l’agent causal qu’il vaut mieux causer. Sinon, on cause avec personne. On discute en rond sur l’auto-immunité et on devient fou. On devient un médecin obscurantiste, un sectaire, comme il est advenu à Jean-François Bach avec l’hormone thymique, un truc qui n’a jamais existé, de l’eau, qu’il a breveté qu’ il a vendu et qui lui a permis d’entrer à l’Académie des sciences. Bach a 148 publications sur un truc qui n’existe pas. Faut quand même le faire, non ? Et il est toujours dans les commissions, il est à la Ligue du cancer, il a nommé douze mecs professeurs et en particulier un qui était de dix ans plus jeune que moi. Donc, si je ne suis pas devenu prof de médecine, merci, c’est grâce à Jean-François Bach… J’ai aussi été chargé de recherche à l’INSERM sur la proposition de Maxime Seligmann. Mais j’ai démissionné au bout de trois mois parce qu’on m’a proposé un poste de maître-assistant à la fac qui doublait mon salaire de chef de clinique. Bien entendu, Seligmannn m’a traité de tous les noms. Comment pouvais-je faire fi d’une proposition pareille, quelque chose qui venait du maître … ou de la voix de son maître… Derrière lui, il y avait Pasteur et le reste du système institutionnel français! Donc, voilà comment je suis arrivé à Garches. Comme le disait Hamburger, "c’est bien, vous allez pouvoir tout recommencer à zéro". Et il a eu raison. J’ai pu mesurer à quel point au fond de cette merde à laquelle j’étais condamné, j’ai finalement tiré des possibilités d’exister que je n’aurais pas eues autrement. 

Vous voyiez-vous comme un immunologiste ou comme un virologue? 

Comme médecin, je me sentais bien dans l’idée de causalité infectieuse. Dans l’exercice médical, comme dans la recherche d’ailleurs, c’est quand même plus agréable d’avoir la cause d’une maladie que de ne pas l’avoir. C’est mieux d’expliquer au patient qu’il a quelques chose qui vient de l’extérieur plutôt que de le renvoyer à ses entrailles pourries, « cher monsieur, vos lymphocytes sont complètement balzingues, voilà qu’ils se mettent à vous bouffer les couilles… ». Dans le groupe sida, un jour, on m’a demandé ce que je pensais des maladies auto-immunes. Je leur ai répondu que c’était une vraie saloperie, qu’il fallait trouver autre chose. La causalité extérieure, virale, m’avait gratouillée les méninges comme possibilité de sortir de la bouteille de Klein (ce récipient qu’on ne peut pas remplir) comme disait Jean-François Bach, car je pensais que ça n’existait pas l’auto-immunité circulaire. À Necker, quand je m’occupais des patients avec des lupus, je devais leur filer des corticoïdes et tout le bazar, toutes ces armes à multiples tranchants et j’avais la trouille quand je leur nécrosait les têtes fémorales et tout le reste. Ça me déprimait, la position du médecin était difficile, moins que celle des patients bien sûr, mais lui n’avait qu’un texte de merde à se mettre sous la dent. Si la nature est dure, il faut quand même qu’il essaye d’être un peu moins dur qu’elle, inutile d’en rajouter et de pérorer comme un con. Donc, pourquoi ai-je eu l’idée du virus du sida? Simplement, parce que j’avais déjà flirté avec l’idée de cause externe après deux ans passés à Harvard et un an en Angleterre à chercher des causes externes du lupus. En plus, je venais de chez Monsieur Hamburger et je me retrouvais avec une épidémie pour laquelle j’avais une compétence puisque les autres n’avaient pas fait les études que j’avais faites. 

Justement, pour vous, comment commence l’affaire du sida? 

non, l’histoire du sida ne commence pas en amérique en 
décembre 81 avec Sonnabend, mais à Paris avec un patient les médecins de 
l’hôpital claude bernard en 1979, non Sonnabend n’a pas eu l’idée du virus 
pour le sida, çà l’a même fait plonger grave dans une mélancholie noire (cor. J. L.) 

Pour moi, ça commence en décembre 1981. J’ai découvert l’épidémie en Amérique. J’avais rencontré un type, (?) un militant médecin gay, pédé comme un phoque, donc très intellectuel new yorkais. Il faisait partie de ces types qui asseyaient d’inventer leur monde, complètement branchés ‘new age’, ‘wrist fucking’ et nouvelles idéologies… Et paf! Les Amis se retrouvent avec une épidémie de maladie infectieuse sinistrement inconnue. C’est lui, le premier, qui m’a dit qu’il pensait que cette déficience immunitaire était provoquée par un agent infectieux… Il était effondré par les idées merdiques qu’il voyait se développer autour de lui : le sida, c’est la sanction des fautes existentielles des sociétés post modernes, c’est l’expiation des péchés contre la santé, pas soigner ses bobos, pas bien manger, pas prendre ses vitamines… En fait il refusait d’entrer là-dedans. Il me disait qu’il était sûr qu’il y avait autre chose et j’ai compris qu’il avait raison. Moi, j’étais pas un militant de l’hédonisme post-moderne, j’m’en foutais, j’avais pas une attirance particulière pour cette catégorie de la population, les homosexuels, mais la confession de mon Américain, ça m’a retourné. Ça me faisait l’effet du retour d’un million d’années en arrière. Et c’est vrai que le sida prenait complètement la recherche médicale à rebrousse poil. Les grandes maladies infectieuses avaient disparu. Plus personne n’en parlait. Et voilà qu’on se trouve en face d’une épidémie, d’un truc qui nous prend à revers… Moi, comme les copains, je m’étais tissé un cocon de modernité médicale et voilà t-il pas que l’événement remet tout en question. Qu’est ce qu’on y peut? On peut rien faire! Ça m’a bousculé… Quoi!? Écoutez les gars, on n’y peut tellement rien qu’il va falloir essayer d’y pouvoir. Et c’est là qu’on a créé ce groupe de recherche sida, ‘informel!’, avec Gluckman, Rozenbaum, etc. Mais le jour où Jean-François Bach a voulu y mettre son nez, j’ai fait une alliance de circonstance avec les autres pour le virer, pour qu’il ne puisse pas continuer à faire le malin. 

Une rencontre avec Jean-Paul Lévy 

En août 1982, j’ai commencé à gratter cette histoire de déficience du système immunitaire. J’ai vu qu’il y avait un groupe d’américains au NIH avec Robert Gallo qui travaillait sur le HTLV. Il avait émis l’idée qu’un rétro virus pourrait être à l’origine du sida. Il y avait aussi un groupe japonais (Haïchiko) qui travaillait sur le rétrovirus humain de la leucémie. Mais je voulais d’abord faire un deal avec des Français. J’ai pris mon petit cartable sous mon bras et je suis allé partout, je suis allé voir D. Stehelin à Lille, Jean Paul Lévy à Cochin. Mais je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas baizef de monde. Début octobre 1982, je propose le gros coup à Lévy, le plus beau de sa carrière. Je lui dis : « écoutez, vous êtes le grand rétro virologue de Cochin, vous êtes immunologiste, on ne peut pas faire mieux. Il y a là un rétrovirus qui est probablement à l’origine de cette épidémie mondiale d’origine africaine. Vous avez tout le savoir-faire…, etc." Et il l’a pas fait. Pourquoi? Pourquoi Jean-Paul Lévy, vous l’avez pas fait ? Vous auriez été le héros de cette histoire! Moi je sais pourquoi il ne l’a pas fait. Après mon passage chez lui, il a organisé une réunion de son groupe au saint des saints, là où les gens, les privilégiés du système médical et biologique français se retrouvent, la ‘Fondation pour la Recherche Médicale’ (FRM). C’est un endroit béni des dieux en plein sixième arrondissement de Paris avec un très beau jardin, quasiment à côté de chez le Premier ministre, donc entre gens bien, la crème de l’élite à la française. C’est là que se réunissent des gens intelligents et bien élevés, ceux qui ont sucé le bon lait de la nourrice Jean Bernard, cette bande de chatons plus arrogant les uns et les autres parmi lesquels Maxime Seligmann, mais aussi Jean-Paul Lévy et quelques autres. Bon, Lévy avait discuté démocratiquement avec son groupe à Cochin où on travaillait sur des virus de singes, sur les souris, etc. Mais alors pourquoi ne pas travailler sur un rétrovirus humain? Manque de pot, une dame du groupe, une chercheuse avait la trouille de la manip. Et c’est comme ça qu’au lieu de dire comme Turenne à ses troupes, tu trembles carcasse, mais tu tremblerais encore plus si tu savais où je t’emmène’… le général Lévy s’est comporté comme un officier d’état-major : ‘bon, vous voulez pas y aller, alors on n’y va pas!’ Cela dit, il m’a quand même filé le téléphone de Robert Gallo aux NIH et il m’a déconseillé de contacter Luc Montagnier à Pasteur, un mauvais. Et c’est vrai, Montagnier c’était le 182ème joueur mondial en rétro virologie, ça faisait vingt ans qu’il cherchait un rétrovirus sans rien trouver… 

La question était donc pour vous avec qui travailler 

Montagnier, on me dit il est nul. Lévy ne veut pas y aller. Que faire? Je ne pouvais pas me lancer tout seul, je n’avais pas les moyens. De toute façon, je savais bien qu’une fois que j’aurais isolé le virus, il aurait fallu que je l’apporte chez les virologues, le recouper, le comparer aux autres,. Avec les Japonais? J’ai déjà beaucoup de mal à les comprendre et, en plus, ils ont sept heures de décalage à l’Est, c’est trop compliqué. Et puis j’les connais, ils sont rigoureux, ‘académistes’, chiants, et ils avaient déjà dit qu’il y avait pas de pédé chez eux. Quelques jours après ma discussion avec Lévy, j’appelle donc Robert Gallo. Évidemment, je suis d’abord tombé sur sa secrétaire qui m’a demandé qui j’étais. Mon avantage c’est que les Amerloques, je parle la même langue qu’eux. J’ai donc dit à la secrétaire: "non le pr. Gallo ne me connaît pas, mais je vais vous laisser six mots clés que vous lui répéterez, OK? HTLV, Health, Transfusion, Haïti, Africa and AIDS" et le lendemain Gallo me rappelait. Résultat, deux mois plus tard, en février 1983, je m’invitais dans un de leur meeting avec tout le staff des NIH. On a causé, ils m’ont écouté, on s’est fait plaisir. C’est pas du tout le système français : "Toi Leibo, tu viens nous voir en patins à roulettes! Mais tu te crois où? Et d’abord d’où viens-tu? C’est quoi ton pedigree?…." J’ai donc fait le deal avec Gallo. Alors la question est : pourquoi est-ce qu’il a tant merdé au début? D’abord parce qu’il y avait un mec dans son labo qui salopait le boulot, ensuite parce qu’il était complètement obnubilé par l’idée de trouver un HTLV. Il voulait que le sida, ce soit du HTLV. Il cherchait à entretenir une lignée et ça ne marchait pas… Bref, Gallo s’est auto piégé dans son idée fixe. 

Et l’Institut Pasteur? 

À Pasteur, ils ont des oursins dans les poches. Ils se démerdent toujours pour baiser ceux avec qui ils travaillent. C’est comme ça. Ils ont le syndrome bien bourgeois français qui garde son truc, qui veut pas partager tellement il est radin. Ça n’a pas loupé. Dès que Rozenbaum lui a apporté sa souche BRU, Montagnier qui n’avait aucune idée s’est aussitôt comporté comme un boutiquier : "très bien, c’est dans mon magasin donc c’est à moi". Comme tout le monde, j’avais fréquenté Pasteur lorsque j’étais à Necker. Je les avais vus fonctionner, l’élite, les arrogants… C’était à côté, j’y allais faire des cours. Mais moi aussi je la ramenais, donc, entre arrogants, je croyais savoir comment faire. C’est l’histoire du scorpion et de la grenouille. La grenouille fait traverser le gué au scorpion, mais, au milieu de la flotte, celui-ci ne peut pas s’empêcher de lui en mettre une et tout le monde boit le bouillon. J’me disais, ils vont me piquer au milieu du gué. Donc je suis allé voir Pasteur parce qu’il n’y avait quand même pas beaucoup d’autres possibilités. J’ai pris contact avec l’annexe de Garches, les Cent Gardes sont à deux cents mètres de l’hôpital Poincaré. Fin 1982, je traverse donc la rue pour aller parler à Pierre Prunet, le directeur d’Institut Pasteur Production. IPP cherchait un immunologiste et j’étais intéressé par leur proposition salariale. J’en ai profité pour les mettre au parfum à propos du sida. Je leur ai dit : "vous savez , il y a l’épidémie d’une petite maladie qui s’appelle le sida. C’est curieux, son origine semble être l’Afrique francophone, des pays avec lesquels vous avez travaillé pour l’hépatite B. Peut être que vous pourriez vous remuer un peu le cul (je voulais les énerver un peu) et voir de quoi il retourne…". En fait, je leur ai livré l’hypothèse rétrovirale, l’origine africaine de la maladie. Donc ils ont repris le truc, ils étaient motivés pour toutes les raisons du monde et, en particulier, parce qu’ils faisait le vaccin de l’Hépatite B et qu’ils avaient besoin de tester le virus. Et c’est parti… Prunet a téléphoné à Cherman le lendemain et ils ont allumé sur rétro virus et sida. Mais, ça n’a pas loupé, Cherman a dit à Prunet : « Bon ça va avec ces mecs. À Pasteur, on n’a besoin de personne» . Alors qu’ils n’avaient pas eu l’idée, qu’ils n’avaient pas la technique et que, sans nous, ils n’avaient pas eu de spécimen… 

Willy Rozenbaum avait apporté à Luc Montagnier la souche qui lui a permis d’isoler le rétrovirus 

Rétrovirus? C’est moi qui ai épelé le mot à Rozenbaum lors d’une conversation à la Closerie des Lilas en 1982. Il est évidemment le seul à ne pas s’en souvenir aujourd’hui. En novembre après avoir vu Gallo, j’ai dit au groupe de travail sida, c’est moi qui présidait, : « c’est un rétrovirus ça! Vous savez comment ça s’écrit, bande de cons? » Rozenbaum, son mérite c’est qu’il apprend très vite les choses qu’il ne connaît pas. Il s’accrochait bien à moi, chaque fois que je disais un truc, il le répétait une seconde plus tard encore mieux que moi. C’était incroyable, je lui disais : « Rozenbaum, tu parles plus vite que mon ombre». Hallucinant, je disais un truc, hop, il faisait la fin de la phrase alors qu’il ne connaissait rien à la biologie. Moi, contrairement à lui, j’avais appris suffisamment de biologie pour ne pas me laisser emmerder par des biologistes qui faisaient les malins. Lorsqu’il a appris à épeler le mot rétrovirus sous ma dictée, il a vite couru chez Cherman et Montagnier. N’empêche que quand Montagnier a isolé le rétrovirus à partir du ganglion BRU, ça m’a quand même foutu un drôle de coup. Voir que ce que j’avais imaginé comme hypothèse s’avérer vrai, je peux vous dire que ça m’a fait un drôle d’effet. Ça m’a même foutu les boules. Ça m’a fait peur sur mes capacités à avoir des intuitions pareilles. Putain! On finit par se demander si, on n’a pas quand même une relation privilégiée avec le réel. Quand Montagnier a annoncé ce truc dans le groupe sida, j’ai posé quelques questions techniques, mais Rozenbaum a eu cette phrase révélatrice de son esprit de compétition et de son comportement de cireur de pompes. "Dis donc Leibo, t’es clinicien ou t’es biologiste ? » J’ai dû lui répondre : « mais c’est quoi ton cirque? Et toi, tu te mets où? Derrière moi comme clinicien ou derrière eux comme biologiste ? " En réalité, j’avais quand même quelques inquiétudes métaphysiques dans tout ça. Je me marre, mais je suis un sceptique, j’y croyais quand même pas trop à mes conneries. Mais alors là! Ça fait peur, très peur. Quand j’y repense, je frissonne intérieurement de l’âme. Je me suis dit peut être bien que j’ai un rapport privilégié avec la vie! 

Votre réaction face à la maladie est d’abord celle d’un médecin 

Le médecin ne peut pas être con au point d’en remettre une couche là où le réel a déjà fait son trou. Vous voyez ce que je veux dire. Le médecin, il est pas là pour dire au patient : « Vous savez, c’est grave ce que vous avez. ». La médecine, c’est un exercice d’assistance et d’aide à la traversée du réel. C’est pas de faire les malins dans les journaux ni de spéculer au Nasdaq. Et il faut quand même pas trop faire chier le patient. Je veux dire, s’il a un cancer, faut pas le lui dire de façon désagréable. Il faut s’arranger pour que la communication ne soit pas une offense, c’est tout (je n’y arrive pas toujours!). En médecine, je suis assez bon, je crois. Enfin, je me débrouille. Sauf avec un malade mental, mais il y a plus nul que moi. En fait, comme tous les (bons) médecins, je suis phobique. J’ai horreur de la maladie. Je fais de la médecine depuis que j’ai vingt ans (1962) et je suis passé par tous les stades de la terreur. Au début, je pensais que j’attrapais toutes les maladies que je soignais. Après j’ai eu la phobie des maladies des autres, des patients, la terreur qu’ils me claquent entre les doigts. Bon, on dira tout le savoir-faire de la médecine, c’est de savoir se débrouiller avec cette panique. C’est là qu’on fait semblant… comme un bon mandarin. Mais ça ne me rassurait quand même pas. C’est pour ça que j’en voulais à ces enfoirés d’apparatchiks. Du haut de leur avion, ils peuvent balancer leurs pralines, mais quand on est dans la tranchée avec les patients, on peut pas leur balancer des saloperies sur la tête tout simplement parce qu’on a leurs têtes terrifiées en face de soi. On peut pas être médecin et terroriser les gens, c’est pas possible. Ceux qui ont des patients entre les mains ne peuvent pas aller dire leurs conneries à la télé, c’est pas possible. Alors leur connerie du cytomégalovirus et tout le reste de leurs trucs d’état major, je n’en voulais pas, parce que je ne voyais pas comment j’allais m’en servir. Moi, j’ai choisi de faire alliance avec le réel (c’est ce que j’ai écrit dans mon papier). Au début de l’épidémie, j’étais terrorisé quand j’entrais dans les chambres des patients. J’étais vert parce que dans le grand livre de la médecine, y avait rien à leur prescrire. Par définition, c’étaient des mourants. Dur, dur… Comme je suis médecin, je ne pouvais pas ne pas les voir. Je me disais aussi que si je ne les voyais pas je risquais d’apprendre quelque chose sur leur maladie et éventuellement trouver un truc pour les soigner. En même temps je pensais que si c’est chiant d’avoir les boules, et je les avais, au moins ça va me pousser au cul. Finalement c’est quand on est dans la tranchée qu’on peut avoir besoin de bons fusils. J’avais pas envie de continuer d’exercer dans la mort. J’étais pas comme Marc Gentilini qui était content de leur filer l’extrême onction parce qu’il était catho, sadique et pervers. J’avais pas envie de les voir mourir, non parce que je les aimais spécialement, mais parce que ça me faisait chier de les voir crever. Ils me faisaient pleurer ces cons là. 

Quid des méthodes de prévention? 

Ce qui me frappe dans la prévention, c’est son échec. Très tôt, on a su que le sida était une MST, donc qu’il fallait mettre des préservatifs. Mais l’infection ne s’est pas arrêtée pour autant. Bien sur que la capote permet de passer d’un facteur de 0 à 100 au lieu de 0 à 1000. Mais est ce qu’on n’aurait pas pu faire aussi bien, voire mieux, avec l’usage du bidet. On parle toujours du préservatif, mais on ne parle jamais d’une chose qui s’appelle l’hygiène. Le savon et de l’eau, ça s’appelle la dilution, c’est se laver. Mais non, on est allé chercher des crèmes spermicides, des trucs virucides, etc., et on n’a pas réussi à endiguer l’infection, pas plus en Europe qu’en Afrique. Ces derniers, au début des années 1970, ils avaient un taux de prévalence de, disons 0,1% (c’est là que dormait l’épidémie) et ils sont passés à 10% aujourd’hui. En Europe on est passé de 0% à 1% pendant la même période, mais dans les deux cas c’est un accroissement du facteur cent. De toute façon, ce qui a diminué, ce sont les cas de sida. Mais l’incidence de l’infection, quant à elle ne diminue pas. Simplement, chez nous, le virus est neutralisé par les médicaments, n’empêche que tous les ans on a 5000 nouveaux séropositifs. Ce n’est quand même pas rien. Bien que le taux de contamination soit plus faible que dans les années 1980 et qu’aujourd’hui il semble stabilisé, personne ne peut dire si la tendance est à la baisse ou à la hausse. 

Que se passait-il du côté de l’INSERM? 

Qu’est-ce qu’ils foutaient à l’INSERM pendant ce temps là? C’est quand même pas tous les jours qu’on en a une affaire comme ça, bordel de dieu! Mais non, Business as usual… C’est pour ça qu’on les a pas vu faire de médecine depuis cinquante ans. C’est sur que ces pas eux qui ont fabriqué la canne de Moïse pour aider les hébreux à franchir la Mer Rouge, hein!? Et oui les gars, vous êtes passé à côté. Une fois de plus! C’est ce que j’ai dit à Philippe Lazar lors d’un symposium à la Villette. Ce devait, en 1992… Sale période pour moi. J’étais marié avec l »autre’… J’avais la grosse tête. Je prenais des baffes de tout le monde… J’étais vraiment déplaisant à l’époque! Bon… lors de ce truc bidon de la Villette, vous savez ces machins complètements ringards où les mecs prennent des airs coincés pour parler de technologie. Lazar piégé, je l’ai pas raté : "dites donc vous les gens de l’INSERM, baissez un peu la sono, hein! Parce que dans le rôle du in abstentia, vous avez pas été mauvais, il semblerait." 
Bon, une fois que j’ai trouvé que le sida était provoqué par un virus, j’ai compris que c’était vraiment pas marrant du tout, par exemple que pour le sang (la transfusion) ça allait être un désastre. En 1983 j’ai d’ailleurs envoyé une longue bafouille à l’INSERM. J.-P Lévy m’a répondu. Il faut lire ça. Il m’écrit des trucs à se taper le cul par terre. Il me pose des questions d’état-major. Nous, les patients crèvent dans nos bras et lui, il nous parle du HLA! Le fameux ‘HLA bon à rien’ avec un ‘y’ si vous voyez ce que je veux dire. Il y a vraiment des gens qui se font de la branlette cérébrale avec le HLA, surtout quand ils sont homozygotes. Mais, moi, qu’est-ce que ça peux me foutre leur convergence au quatre vingt deuxième degré de connerie!? C’est le système immunitaire qu’ils me disent. Mais qu’est-ce que ça veut dire? Si ça veut dire que ça te fait plaisir de bidouiller le HLA, que ça fait cinquante ans que t’as investi là-dedans, au moins là, tu montres que t’as pas travaillé pour rien. Mais question traitement, des clous! Donc Lévy, il m’écrit du haut de sa chaire, "ça m’intéresserait de regarder le HLA". Et je lui réponds, "vous savez, le HLA c’était la réponse individuelle du sujet, à la maladie. C’est pas sa constitution génétique qui va favoriser ou défavoriser la progression de la maladie". La réaction individuelle de toute façon, ça change rien au fait qu’il y en a plus de 50% des malades qui vont au tapis. Qu’est-ce que vous voulez qu’on en foute de votre HLA? Et j’ajoute qu’il vaudrait mieux doser le virus et que c’est précisément ce qu’on essaye de faire. Ca nous permettrait quand même de savoir rapidement, si un traitement est efficace ou pas. L’idée n’était même pas de moi. C’est un mec du NIH qui m’a écrit un jour, « bon, maintenant qu’on a trouvé le virus, il faudrait mesurer la charge virale ». Si on perd la bête, c’est pas en regardant les gens dans le blanc des yeux qu’on va la retrouver. A l’INSERM, il y a trois mille couillons qui sont payés à ne rien foutre, en tout cas à ne rien trouver. On pourrait peut être les mobiliser sur un ordre du jour grandiose : « par solidarité, vous allez poser vos pipettes, arrêter de faire les cons et, pour une fois, vous allez faire un truc utile. » Voilà, le président Mao, a parlé. Et bien le président Mao on l’a vu, il a rien dit et il a tout laissé à Pasteur. Pourtant, ça aurait eu une sacrée allure, trois mille couillons faisant vingt mille tests, on aurait eu dix fois moins de transfusés contaminés. C’est comme ça qu’en 1986, je pars en guerre avec mes petites valises, mes petites techniques, pour mettre au point la mesure du virus. Donc, qui c’est qui a trouvé la mesure du virus? C’est Leibowitch. Qui c’est qui a fait le test du dépistage des donneurs de sang? C ‘est encore Leibowitch. Tout seul… 

Le test de dépistage 

Pour un médecin, ça n’aide pas beaucoup de dire au malade que c’est un virus. Enfin, ça dégage un peu question auto culpabilité plutôt que de pontifier sur les comportements sexuels. Car vous savez qu’on y a eu droit. Même le malade, il était prêt à y croire! Le type, il ne pouvait pas entendre que c’était un virus. Ça a mis dix ans à redescendre, c’est dire comment il était dépassé par un évènement qui le foutait en l’air. C’est pour ça que j’ai absolument tenu à pouvoir suivre la mise au point du test de dépistage. Je voulais pouvoir dire aux gens, bon, vous êtes séropo, mais enfin on va essayer de voir ça de plus près… Je ne voulais pas laisser cet instrument de trois ou quatre méchants qui donneraient les résultats à leurs heures en nous laissant tous crever, patients et médecins en même temps. Je préférais que ce soit moi qui décide du timing, comment j’allais faire le test et comment j’allais parler des résultats. J’ai donc commencé à faire une lymphothèque dès 1982. Je me suis d’ailleurs fâché avec les mecs du groupe de travail parce que, eux, ils ne voulaient pas. Je leur ai dit : « Attendez les gars, mais vous êtes cons ou quoi ? Il faut qu’on embraye tout de suite. Il faut s’y mettre parce que dans dix ans, si on l’a pas fait aujourd’hui, on n’aura que nos yeux pour pleurer». Et voilà comment ils s’y sont mis …en 1990. En fait, ce sont mes collègues transfuseurs de Garches qui m’ont demandé de leur faire un test de dépistage, "mais, les mecs, je suis pas transfuseur". Bon, je me suis lancé avec mon petit incubateur, une étuve de campagne prêtée par un copain. C’est comme un casque de scaphandrier, il y a des tubes, on met le gaz là-dedans, après on ferme et ça une autonomie de 2-3 ans. Après on met dans une machine à sécher à 37° et on fait pousser le virus. Mais vous imaginez que monter une ligne d’immuno-virologie dans un hôpital de paraplégie, ça a été l’aventure du siècle. Il a vraiment fallu qu’il y cette une épidémie et des gens motivés pour des raisons affectives pour que ça se fasse. Moi, avec ma grande gueule et vu que les autres n’étaient peut-être pas plus compétents que moi, j’avais ma chance! Et bien ce bricolage a été efficace. Quand on a eu nos premiers résultats, en 1984, on a trouvé quatre séropo sur deux mille tests! Alors, j’ai dit à ma collaboratrice : là, c’est grave! C’est grave pour la transfusion, mais aussi pour les soignants. Ils vont pas nous pardonner d’avoir trempé là-dedans. On a mis le doigt dans un endroit interdit. On entre chez Barbe bleue. Je me disais, ça appartient à la transfusion, ça appartient à Pasteur, tu ne touches pas à ça, t’as pas le droit d’y toucher. Mais, bon, maintenant que j’ai les résultats, je ne peux pas faire comme si je ne les avais pas. Je l’ai dans le cul. C’est vrai, ils vont l’avoir dans le cul, eux aussi, mais moi je suis le promoteur. Et ça s’est passé exactement comme c’était prévisible. C’est-à-dire qu’on a vu une solidarité merdique se développer entre Pasteur et le Centre national de transfusion sanguine. (Pendant le procès), on pose la question à Madame Courroucé du CNTS : "pourquoi n’avez-vous pas fait comme Monsieur Leibowitch qui a fait pousser le virus de Gallo pour faire des tests? 
- Mais nous, on ne travaille pas avec le virus américain". C’est tout. C’est comme ça que je me suis retrouvé en position, presque malgré moi, de faire un test de dépistage avec comme résultat de devenir le Fouquier-Tinville de la transfusion! 

Et ça a été l’affaire du sang contaminé… 

Laurent Fabius a dû se défendre jusqu’à récemment d’un crime qu’il n’avait pas commis, si ce n’est celui d’avoir subi l’influence néfaste de Pasteur et de ses conseillers. Notamment, de François Gros, le directeur de l’Institut, qui n’avait choisi que parce qu’il était choyé par Mitterrand, mais qui ne connaissait rien au sida. Mais il y en avait d’autres. Outre J.-P. Lévy, il y avait Seligmann qui avait sévi abondamment dans la réforme Savary et qu’on a vu revenir sur le sida. Tous, sous les auspices de Jean Bernard qui faisait Saint-Louis sous son chêne. Bref, on était entre gens biens, on ne pouvait pas se tromper. C’est comme cela qu’ils ont tous trempé ensemble dans la défense du mauvais test Pasteur, c’est-à-dire dans l’affaire du sang contaminé. Pendant ce temps-là, Leibowitch qui travaillait sur le test Abbott aura payé pendant dix-huit ans, la faute de s’être élevé contre l’empereur (F. Gros) au moment où celui-ci assassinait ces ouailles. Et ça au prétexte que le bureau des brevets de Pasteur commandait la politique sanitaire française. Moi, j’ai été présenté à Laurent Fabius en 1987. On lui avait dit, "Leibowitch, c’est pas un type sérieux. D’abord il circule en patins à roulettes". (Effectivement, ça faisait dix ans que je faisais du patin. Au début, j’ai même eu une contredanse. Je passais devant le Sénat et je suis arrêté par un factionnaire qui me demande pourquoi je roule sur la chaussée. Je lui réponds que, sur le trottoir, il n’y a pas de place parce qu’y a trop de monde. Il me rétorque que je suis pas un véhicule et il me colle un P.V.). Donc, quand je le rencontre, Fabius me dit : "tu comprends, on ne pouvait pas te demander conseil, à toi…". Effectivement, il préférait en demander à Jean Bernard qui ne connaissait rien au sida. Le problème c’est que lorsqu’on se retrouve en face d’une épidémie et qu’on est au pouvoir, il faut décider, c’est-à-dire qu’il faut choisir si on fait de la politique ou si on s’occupe du réel. That is the question! Eux, ils n’ont pas compris qu’il fallait s’occuper du réel. C’est comme ça qu’ils se sont fait baiser comme je l’ai écrit dans un texte qui circule sur Internet (In retrovirus veritas). Moi, j’ai appris qu’il y a deux ordres de savoir. Il y a le savoir faire et le savoir politique. Le savoir politique, c’est pour ceux qui n’ont pas eu de bol ou parce qu’ils n’étaient pas si doués que ça, ou bien parce qu’ils étaient parésseux ou trop malins. Les grands savants, ils font semblant de chercher, ils dirigents, ils ont des voitures de fonction… Le savoir faire, ils laissent ça aux bougnoules, aux métèques, aux travailleurs immigrés… 

Sur l’affaire du test, vous n’étiez pas d’accord avec Rozenbaum 

Rozenbaum, c’est aussi homo politiquement correct. Il a dédouané les gens de Pasteur en collant la culpabilité dans l’affaire des transfusés sur le dos des journalistes! En plus, il a exonéré les pédés de leur responsabilité. C’est quand même leur sang qui a contaminé les transfusés, faut peut-être le rappeler. En 1985, Rozenbaum a dit que le test Abbott était tellement dangereux en créant des contaminations qu’il ne fallait surtout pas l’utiliser. En fait, il a réussi à nous montrer par l’arithmétique la plus surréaliste que plus il y avait de tests et plus il y avait de contamination puisque tous les séropositifs n’étaient pas dépistés, hallucinant… Pourquoi il a dit ça? Tout simplement pour permettre de compenser le manque de savoir-faire de l’équipe Montagnier qui voulait tout garder pour lui, donc pour l’aider à rattraper son retard sur le test américain. Le problème de Rozenbaum est qu’il est ‘Juif de cour’. Moi je suis Juif, mais pas de cour, j’avais un père ouvrier qui était déjà en France depuis une génération! (C’est de là que me vient mon côté anar). Rozenbaum, lui, il vient d’arriver de Pologne et c’est pour ça qu’il est aussi pressé d’être reconnu, de s’asseoir à la table du Khalife. Comme dit la chanson ‘le beau prince d’Orange s’est un peu trop pressé, j’l’ai vu porter en terre par quatre cavaliers’ . Parce qu-il s’est un peu grillé le Willy! L’année dernière, lorsqu’il a écrit dans son livre qu’il n’avait pas le choix, que les conseillers de Fabius lui avaient mis un pistolet sur la tempe… 

Ensuite, c’est la création de l’Agence nationale de recherche sida (ANRS) 

Voilà. L’ANRS surgit trois ans plus tard (1988) comme une espèce de léviathan institutionnel typiquement français. C’est-à-dire pas démocratique, née de la cuisse de Jupiter-INSERM, auto cooptée, oint et béni par le système mitterrandien qui était, comme on sait, d’un conformisme incroyable. Le léviathan avait pour tâche principale les thérapies contre le sida. A ce moment-là, on savait déjà que les mono thérapies, ça avait raté. Je parle même pas des histoires de dingues, comme le HPA 23 que Jean Claude Cherman avait fourgué à Rozenbaum pour soigner Rock Hudson… Cherman, je l’avais rencontré en 1982 et au bout de cinq minutes, j’ai pas pu me retenir et je lui ai dit, "toi, t’es fou!", il me répond : "quoi !?". C’est là que je me suis rendu compte qu’il était louf, sinon il ne m’aurait pas répondu ‘quoi’, mais « pas du tout. C’est toi qu’est fou’, etc ». Bref, grâce au test viral, on savait que l’AZT tout seul, ça ne marchait pas. Bien sûr ça faisait baisser la charge virale, mais ensuite elle remontait. C’est un truc qu’on avait montré chez moi à Garches et que je suis allé raconter aux Cent Gardes à l’été 1989 devant tout le gratin de la biologie, Jean-Paul Lévy, David Baltimore, David Haut, George Shaw, l’organigramme au grand complet. Haut et Shaw ont publié les mêmes résultats en janvier 1995 dans ‘Nature’. Le problème c’est que c’est plus facile de publier quand on a un labo de quarante personnes, avec des mecs super diplômés que quand on est tout seul! C’est précisément à ce moment-là que l’ANRS a décidé de se lancer dans les bithérapies en lançant les essais ‘Concorde’, puis ‘Alpha, Delta’,… Mais le Léviathan n’était pas intéressé à développer l’instrumentation sur la charge virale. Nous on s’est rapidement rendu compte que las bithérapies, bah! C’était pas bézef plus efficace que la mono. Mais quand on a essayé de prévenir les copains de l’ANRS, on s’est évidemment fait envoyer aux pelotes. Seligmann nous a fait savoir que l’affaire ne nous regardait pas. Moyennant quoi ils ont persisté, même contre les recommandations des Américains qui fabriquaient les antiprotéases! Bref, les essais Alpha-Delta n’ont rien appris à personne – sinon évidemment que le HIV était la cause du sida! -, mais ils ont permis de faire transiter 500 millions de francs entre la poche des contribuables français et celles d’Aventis, de Pasteur ou de Meyrieux. Le patron de l’ANRS, Jean-Paul Lévy, qui regardait l’avenir voyait bien que Leibowitch avait raison – donc il me soutenait un petit peu, du bout des doigts, 150 000 balles par-ci, 100 000 par là -, mais on avait quand même l’impression que son Léviathan, au lieu de mettre en place des protocoles thérapeutiques, faisait surtout de l’agit-prop pour rassurer le bon peuple. Forcément, une bithérapie, ça doit être plus efficace qu’une monothérapie! C’est ça les sentiers de la gloire. On file une sarbacane au troufion dans sa tranchée et on envoie les blindés parader sur les Champs-Élysées… On comprend pourquoi le père Lévy à l’heure où sonne la retraite, il a senti le besoin de faire monter la soupe vaccinale. Sous peine qu’on vienne le chercher dans sa tombe pour lui demander ce qu’il a fait du pognon qu’on lui avait confié. 

La trithérapie, l’essai ‘ Stalingrad’ 

En 1994 me voilà dans le bureau du ministre de la santé de l’époque, Philippe Douste Blazy. J’assiste à une réunion avec son directeur de cabinet, le conseiller qui m’a aidé à la réunir avec les trois patrons d’Abbott, la boîte dont j’étais le consultant. On se met à parler moitié français, moitié anglais. Je débite mon topo : "voilà, on sait que pour contrer le sida, il faut baisser au maximum la charge virale des patients. Le problème avec les bi thérapies lancées par l’ANRS, c’est que ça ne marche pas. Le virus passe entre les mailles du filet et il revient infecter les malades et il est encore plus résistant… ". Et on se met à parler des essais de trithérapie. Moi j’avais commencé à en faire in vitro avec l’aide d’un laboratoire américain de Chicago, puis j’ai essayé à Garches. Ça marche. On a réussi à réduire la charge virale et à stabiliser la maladie. C’était la première fois qu’on arrêtait la bête! Mais il y a des risques car les antiprotéases sont hautement toxiques et c’est pour ça qu’il faut faire des essais en vraie grandeur. Non pas seulement pour voir l’efficacité des trithérapies, mais pour se doter de l’instrument légitime et légaliste qui permet d’y voir clair. Donc, il faudrait organiser une campagne d’essais que je propose de baptiser ‘ Stalingrad’. On arrête les nazis! L’un des patrons d’Abbott France est très content, "moi j’étais gaulliste pendant la guerre, ça me va très bien". Douste-Blazy pareil et il décide qu’on fera les essais de trithérapie en dehors de l’ANRS. P’têt bien qu’il avait une dent contre le Léviathan… 

Et aujourd’hui? 

Je continue. Depuis 1999, je travaille avec un type que j’aurais dû rencontrer, il y a vingt ans, Pierre Sonigo, un type génial, beaucoup plus biologiste que je ne le suis, mais beaucoup moins médecin que moi. C’est une sorte de golden boy de la biologie qui travaille à l’ICGN (Cochin). Lui et ses copains, ils m’ont proposé de participer à leurs histoires de mitochondries. Vous savez que la mitochondrie, certains biologistes disent que ce sont des archéo bactéries, se répliquent comme un rétrovirus. Donc, grâce aux nouvelles biotechnologies, la PCR et tout ce bordel, ils ont imaginé d’étudier l’action des antiprotéases (i.e. des médicaments anti-sida par exemple) sur la réplication de l’ADN mitochondrial et ils sont venus me demander les données acquises sur mes patients. C’est génial, c’est le genre de truc que j’aurais pas imaginé tout seul. C’est le type de rencontre qui me botte parce qu’au fond, moi, je suis un mec pas éduqué. Je n’ai malheureusement pas fait de grandes études. On ne peut pas dire que médecine soit une formation et le peu que j’ai appris, c’est sur le terrain. En fait, j’aime bien trouver l’endroit où on fait la liaison entre deux choses, entre deux mots, entre la biologie et la médecine… J’aime bien la musique, j’aime bien mettre deux notes ensemble. Je suis un peu poétique. Peut-être que c’est ça ma part de créativité… 
[picardp1.ivry.cnrs.fr

J’en étais certain, la page a disparu de ce lien, qu’importe, la voici dans le cache de Google : 
[64.233.169.104
ou celle ci : [64.233.169.104
et ensuite je la remettrai en ligne puisque je l’ai capturée ;o)) 
Comme quoi les sbires du pouvoir passe du temps à lire mes délires et ensuite donnent des ordres pour que disparaissent les originaux. 

MIRACLE, Hosanah, les gens du CNRS Picard sont "couillus", ils ont remis l’article en ligne avec une photo [picardp1.ivry.cnrs.fr] – article cette fois "exte revu et amendé par J. Leibowitch (05 04)" ; merci les gars, faut pas avoir peur de montrer la vérité ! 
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Amitiés, 
Jacques

Publié: 7 janvier 2008 sous Coups de gueules.

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